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élémens. Mais il y a long-temps que la méchanceté d’Ahriman a percé l’œuf d’Ormuzd, ou, pour nous servir d’une expression plus simple, a violé l’harmonie de ses ouvrages. Depuis cette fatale interruption, tout est bouleversé ; les particules les plus déliées du bien et du mal sont intimement mêlées entre elles, et fermentent perpétuellement. Auprès des plantes les plus salubres croissent de funestes poisons. Les déluges, les embrasemens, les tremblemens de terre attestent les combats de la nature ; et l’homme, dans sa petite sphère, est sans cesse tourmenté par les assauts du vice et du malheur : que les mortels se traînent en esclaves à la suite du barbare Ahriman ; le fidèle Persan seul adore son ami, son protecteur, le grand Ormuzd. Il combat sous sa bannière éclatante ; il marche auprès de lui, dans la ferme conviction qu’au dernier jour il partagera la gloire de son triomphe. À cette époque décisive, la sagesse lumineuse de la souveraine bonté rendra la puissance d’Ormuzd supérieure à la méchanceté de son rival. Désarmés et soumis, Ahriman[1] et ceux qu’il enchaîne à son char

  1. D’après le Zend-Avesta, Ahriman ne sera point anéanti ou précipité pour jamais dans les ténèbres : à la résurrection des morts, il sera entièrement défait par Ormuzd, sa puissance sera détruite, son royaume bouleversé jusque dans ses fondemens : il sera purifié lui-même dans des torrens de métal embrasé ; il changera de cœur et de volonté, deviendra saint, céleste, établira dans son empire la loi et la parole d’Ormuzd, se liera avec lui d’une amitié éternelle, et tous deux chanteront des hymnes de louange