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lequel l’univers existe, est appelé chez les Perses le temps sans bornes. Cependant, il faut l’avouer, cette substance infinie semble plutôt un être métaphysique, une abstraction de l’esprit, qu’un objet réel, animé par le sentiment intime de sa propre existence, et doué de perfections morales. Par l’opération aveugle ou par la volonté intelligente de ce temps infini, qui ne ressemble que trop au chaos des Grecs, Ormuzd et Ahriman sont engendrés de toute éternité : principes secondaires, mais les seuls actifs de l’univers, possédant tous les deux le pouvoir de créer, et chacun forcé, par sa nature invariable, à exercer ce pouvoir selon des vues différentes[1]. Le principe du bien est éternellement absorbé dans la lumière ; le principe du mal éternellement enseveli dans les ténèbres. Ormuzd tira l’homme du néant, le forma capable de vertu, et remplit son superbe séjour d’une foule de matériaux, sur lesquels devait s’élever l’édifice de son bonheur. Les soins vigilans de ce sage génie ramènent l’ordre constant des saisons, font mouvoir les planètes dans leurs orbites, et entretiennent l’harmonie des

  1. Il y a ici une erreur : Ahriman n’est point forcé, par sa nature invariable, à faire le mal ; le Zend-Avesta reconnaît expressément (voyez l’Izeschné) qu’il était né bon ; qu’à son origine il était lumière, mais l’envie le rendit mauvais ; il devint jaloux de la puissance et des attributs d’Ormuzd : alors la lumière se changea en ténèbres, et Ahriman fut précipité dans l’abîme. Voyez l’Abrégé de la doctrine des anciens Perses, en tête du Zend-Avesta, par Anquetil, c. 2, §. 2. (Note de l’Éditeur.)