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çut la nouvelle de ses malheurs avec un plaisir secret, et avec une indifférence marquée. « Je savais, dit-il, que mon père était homme ; et puisqu’il s’est conduit avec courage, je suis satisfait. » Tandis que Rome consternée déplorait le sort de son souverain, de vils courtisans applaudissaient à la dure insensibilité du fils de ce malheureux prince, et le louaient d’être parvenu à la fermeté parfaite d’un héros et d’un philosophe[1]. Il serait difficile de saisir les traits du caractère léger, variable et inconstant que développa Gallien dès que, devenu seul maître de l’empire, il ne fut plus retenu par aucune contrainte. La vivacité de son esprit le rendait propre à réussir dans tout ce qu’il entreprenait ; et, comme il manquait de jugement, il embrassa tous les arts, excepté les seuls dignes d’un souverain, ceux de la guerre et du gouvernement. Il possédait plusieurs sciences curieuses, mais inutiles : orateur facile, poète élégant[2], habile jardinier, excellent cuisinier, il était le plus méprisable de tous les princes. Tandis que les affaires les plus importantes de l’état exigeaient ses soins et sa présence, il s’occupait à converser avec le philosophe Plotin[3], ou, plus souvent encore,

  1. Voyez sa Vie dans l’Histoire Auguste.
  2. Il existe encore une très-jolie épithalame composé par Gallien, pour le mariage de ses neveux :

    Ite ait, o juvenes, pariter sudate medullis
    Omnibus inter vos ; non murmura vestra columbæ,
    Brachia non hederæ, non vincant oscula conchæ.

  3. Il était sur le point de donner à Plotin une ville rui-