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et dans les tentes du désert[1]. Il voltigea autour des Perses, les harassa dans leur retraite, s’empara d’une partie de leurs richesses ; et, ce qui était infiniment plus précieux qu’aucun trésor, il enleva plusieurs des femmes du grand roi, qui fut enfin obligé de repasser l’Euphrate à la hâte, avec quelques marques de confusion[2]. Par cet exploit, Odenat jeta les fondemens de la gloire et de la fortune dont il devait jouir dans la suite. La majesté de Rome, avilie par un Persan, fut vengée par un Syrien ou un Arabe de Palmyre.

Sort de Valérien.

La voix de l’histoire, qui n’est souvent que l’organe de la haine ou de la flatterie, reproche à Sapor d’avoir indignement abusé des droits de la victoire. On prétend que le malheureux Valérien, chargé de fers et couvert des ornemens de la pourpre impériale, offrit long-temps aux regards de la multitude le triste spectacle de la grandeur renversée. Toutes les fois que le monarque persan montait à cheval, il plaçait son pied sur le cou d’un empereur romain. Malgré toutes les remontrances de ses alliés, qui ne cessaient de lui rappeler les vicissitudes de la fortune, qui lui peignaient la puissance encore formidable de Rome, et qui l’exhortaient à faire de son illustre captif le gage de la paix et non un objet d’insulte, Sapor demeura toujours inflexible. Lorsque Valérien suc-

  1. Il jouissait d’une si grande considération parmi les tribus errantes, que Procope (De bell. pers., l. II, c. 5) et Jean Malala (t. I, p. 391) l’appellent prince des Sarrasins.
  2. Pierre Patrice, p. 25.