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Quoique du second rang, cette ville pouvait contenir quatre cent mille âmes : Démosthènes y commandait, moins par le choix de l’empereur que par le mouvement qui l’avait porté à s’offrir volontairement pour la défense de sa patrie : il suspendit pendant long-temps la ruine de la place ; enfin, lorsque Césarée eut succombé par la perfidie d’un médecin, Démosthènes se fit jour au milieu des Perses, qui avaient ordre de ne rien négliger pour s’emparer de sa personne. Tandis qu’il échappait à un ennemi, qui aurait pu honorer ou punir sa valeur opiniâtre, plusieurs milliers de ses concitoyens furent enveloppés dans un massacre général. Sapor est accusé d’avoir exercé envers ses prisonniers des cruautés inouïes[1]. Ces imputations ont sans doute été dictées, en grande partie, par l’animosité nationale : ce sont les derniers cris de l’orgueil humilié et de la vengeance impuissante. Cependant, il faut l’avouer, le même prince qui avait déployé en Arménie la bienfaisance d’un législateur, ne se montra aux Romains qu’avec la férocité d’un conquérant. Il désespérait de pouvoir former aucun établissement permanent dans l’empire ; et, occupé seulement à laisser derrière lui d’affreux déserts, il transportait dans

  1. Zonare, l. XII, 630. Les corps de ceux qui avaient été massacrés remplissaient de profondes vallées. Des troupes de prisonniers étaient conduites à l’eau comme des bêtes, et un grand nombre de ces infortunés périssaient faute de nourriture.