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grains, la richesse de la végétation, tout attestait là libéralité de la nature, et invitait l’industrie de l’homme[1]. Les Goths dédaignèrent ces avantages : une vie de paresse, de pauvreté et de rapine, leur parut toujours préférable.

Les Goths envahissent les provinces romaines.

Les hordes des Scythes qui bordaient leurs nouveaux établissemens du côté de l’Orient, ne leur offraient que le hasard incertain d’une victoire inutile : l’aspect brillant des campagnes romaines avait bien plus d’attraits pour eux. Les champs de la Dacie, cultivés par des habitans industrieux, pouvaient être moissonnés par un peuple guerrier. Les successeurs de Trajan consultèrent moins les véritables intérêts de l’état que de fausses idées de grandeur, lorsqu’ils conservèrent les conquêtes de ce prince au-delà du Danube. Il est probable que leur politique affaiblit l’empire du côté de ce fleuve. La Dacie, province nouvelle et à peine soumise, n’était ni assez forte pour résister aux Barbares, ni assez opulente pour assouvir leur cupidité. Tant que les rives éloignées du Niester servirent de bornes à l’empire, les fortifications du bas Danube furent gardées avec moins de précautions : ensevelis dans une fatale sécurité, les habitans de la Mœsie se persuadèrent qu’une dis-

  1. Histoire généalogique des Tartares, p. 593. M. Bell (vol. II, p. 379) traversa l’Ukraine, en voyageant de Pétersbourg à Constantinople. La face du pays représente exactement aujourd’hui ce qu’il était autrefois, puisque entre les mains des Cosaques il reste toujours dans un état de nature.