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estime pour celui dont les conseils avaient été si utiles, il le crut seul capable de rétablir l’harmonie et la discipline dans une armée dont l’esprit inquiet n’avait pas été entièrement calme après la mort du rival de Philippe. Dèce refusa long-temps d’accepter cet emploi ; il voulait faire entendre au prince combien il était dangereux de présenter un chef habile à des soldats animés par le ressentiment et par la crainte. L’événement justifia encore sa prédiction : les légions de Mœsie forcèrent leur juge à devenir leur complice ; elles ne lui laissèrent que l’alternative de la mort ou de la pourpre. Après une démarche si décisive, il n’avait plus à balancer ; il mena ou fut obligé de suivre son armée jusqu’aux confins de l’Italie, tandis que Philippe, rassemblant toutes ses forces pour repousser le compétiteur redoutable qu’il avait lui-même élevé, marchait à sa rencontre. Les troupes impériales étaient supérieures en nombre ; mais les rebelles formaient une armée de vétérans, commandés par un général habile et expérimenté[1].

  1. Il naquit à Bubalie, petit village de la Pannonie. (Eutrope, IX ; Victor, in Cæsarib. et epit.) Cette circonstance, à moins qu’elle ne soit purement accidentelle, semble détruire l’opinion qui faisait remonter l’origine de ce prince aux Decius. Six cents ans d’illustration avaient anobli cette famille ; mais les Decius n’avaient d’abord été que des plébéiens d’un mérite distingué : on les voit paraître parmi les premiers qui partagèrent le consulat avec les superbes patriciens. Plebeiæ Deciorum animæ, etc. Juvénal, sat.