Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et la jalousie du second visir ne se fut élevée contre les perfides avis de Calil pacha, qui entretenait toujours une secrète correspondance avec la cour de Byzance. Il jugea qu’il serait impossible de s’emparer de la ville, s’il ne parvenait pas à former une attaque du côté de la mer, en même temps que ses troupes donneraient l’assaut de l’autre côté ; mais il n’avait aucun moyen de forcer le port ; la grosse chaîne qui le fermait se trouvait maintenant appuyée de huit grands navires, de vingt autres plus petits, et d’un assez grand nombre de galères et de bateaux ; les Turcs, au lieu de forcer cette barrière, avaient à craindre une sortie des vaisseaux grecs, et un second combat en pleine mer. Au milieu de ses perplexités, le génie de Mahomet conçut et exécuta un plan d’une hardiesse merveilleuse : il résolut de faire transporter par terre, de la rive du Bosphore dans la partie la plus enfoncée du havre, ses plus légers navires et ses munitions. La distance est d’environ dix milles, le terrain est inégal, il se trouvait parsemé de broussailles, et comme il fallait passer derrière le faubourg de Galata, le succès de l’entreprise ou la mort de tous ceux qu’on y emploierait, dépendaient de la colonie génoise. Mais ces avides marchands ambitionnaient la faveur d’être dévorés les derniers, et le sultan, rassuré sur ce point, suppléa par la multitude de bras au défaut de ses connaissances en mécanique. Le chemin aplani fut couvert d’une large plate-forme composée de planches fortes et solides que, pour les rendre plus glissantes, ou