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gue juive ou d’un temple païen ; et cette basilique vénérable, qui, remplie d’un nuage d’encens, éclairée d’une multitude innombrable de flambeaux, avait si souvent retenti du son des prières et des actions de grâces, demeura livrée à un vaste et morne silence. Les Latins étaient les plus odieux des hérétiques et des infidèles ; et le premier ministre de l’empire, le grand-duc, déclara qu’il aurait mieux aimé voir à Constantinople le turban de Mahomet que la tiare du pape, ou un chapeau de cardinal[1]. Ce sentiment indigne d’un chrétien et d’un patriote était général parmi les Grecs et leur devint fatal. Constantin fut privé de l’affection et de l’appui de ses sujets, et leur lâcheté naturelle se trouva consacrée par leur résignation aux décrets de Dieu ou le chimérique espoir d’une délivrance miraculeuse. [Siége de Constantinople par Mahomet II. A. D. 1453, avril 6, mai 29.]Deux des côtés du triangle que forme la ville de Constantinople, ceux qui s’étendent le long de la mer, étaient inaccessibles à l’ennemi ; la Propontide formait d’un côté une défense naturelle, et le port de l’autre une défense artificielle. Un double mur et un fossé de cent pieds de profondeur couvrait la base du triangle située entre ces deux rives du côté de terre : Phranza, témoin oculaire, donne à ces fortifications une étendue de six milles[2], ce fut là que

  1. Φακιολιον, καλυϖτρα sont assez bien rendus par chapeau de cardinal. La différence de vêtement des Grecs et des Latins aigrit encore la mésintelligence.
  2. Il faut réduire les milles grecs à une très-petite mesure, qui s’est conservée dans les werstes de Russie, les-