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pierre qui pesait plus de six quintaux[1]. On choisit devant le nouveau palais un endroit vide pour l’essayer ; mais afin de prévenir les suites funestes que pouvaient entraîner le saisissement et la frayeur, on avertit le public, par une proclamation, que le lendemain on se servirait du canon. L’explosion se fit sentir ou entendre à cent stades à la ronde. La portée du boulet fut de plus d’un mille, et il s’enfonça d’une brasse sur le terrain où il tomba. Pour le transport de cette machine destructive, on réunit ensemble trente chariots qu’on fit traîner par un attelage de soixante bœufs ; deux cents hommes furent placés des deux côtés pour tenir en équilibre et soutenir cette masse toujours prête à rouler d’un côté ou de l’autre ; deux cent cinquante ouvriers marchèrent en avant, chargés d’aplanir la route et de réparer les ponts, et il fallut près de deux mois de travail pour lui faire faire une route de cent cinquante milles. Un philosophe d’un esprit piquant[2] se moque en cette occasion de la crédulité des Grecs ; et

  1. Le talent attique pesait environ soixante mines ou livres avoir-du-poids (voyez Hooper on Ancient Weigths, Measures, etc.) ; mais parmi les Grecs modernes on a donné cette dénomination classique à un poids de cent et de cent vingt-cinq livres (Ducange, ταλαντον). Léonard de Chios mesure le boulet ou la pierre du second canon : Lapidem qui palmis undecim ex meis ambibat in gyro.
  2. Voyez Voltaire, Hist. génér., c. 91, p. 294, 295. Il aspirait en littérature à la monarchie universelle ; on le voit dans ses poésies prétendre au titre d’astronome, de chimiste, etc., et chercher à en emprunter le langage.