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tan lorsqu’il voulait se cacher aux yeux du vulgaire. Il employait ses heures de loisir à tracer le plan de la capitale de l’empire grec, à discuter avec ses généraux et ses ingénieurs, en quel endroit on élèverait des batteries, et de quel côté on donnerait l’assaut, où l’on ferait jouer les mines, et où l’on appliquerait les échelles. Durant le jour, on essayait les manœuvres et les opérations imaginées pendant la nuit.

Le grand canon de Mahomet.

Parmi les instrumens de destruction, il étudiait avec un soin particulier la terrible découverte que venaient de faire les Latins, et son artillerie surpassa tout ce qu’on avait vu jusqu’alors. Un fondeur de canons, danois ou hongrois, qui trouvait à peine sa subsistance au service des Grecs, passa du côté des Turcs, et le sultan le paya bien. Il avait été satisfait de sa réponse à la première question qu’il s’empressa de lui faire. « Puis-je avoir un canon assez fort pour envoyer un boulet ou une pierre capable de renverser les murs de Constantinople ? — Je n’ignore pas, répondit le fondeur, la force de ces murs ; mais quand ils seraient plus solides que ceux de Babylone, je pourrais leur opposer une machine d’une force supérieure ; ce sera ensuite à vos ingénieurs à la placer et à la diriger. » D’après cette réponse, on établit une fonderie à Andrinople ; on prépara le métal, et, dans l’espace de trois mois, ce fondeur, nommé Urbain, présenta un canon de bronze d’une grandeur prodigieuse et presque incroyable. Le calibre était, dit-on, de douze palmes, et il lançait un boulet de