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trages, à laisser les Ottomans se charger du crime de l’agression, et à compter sur la fortune et le temps pour leur défense et pour la destruction d’un fort que Mahomet ne pouvait garder long-temps, si près d’une capitale grande et peuplée. L’hiver s’écoula au milieu des espérances des hommes crédules et des craintes des hommes sages : on remit sans cesse à prendre des précautions qui devaient être l’affaire de chaque citoyen et l’occupation de chaque instant. Les Grecs fermèrent les yeux sur le danger qui les menaçait, jusqu’à ce que l’arrivée du printemps et l’approche de Mahomet leur annonçassent leur perte décidée.

Il construit une forteresse sur le Bosphore. A. D. 1452, mars.

On désobéit rarement à un maître qui ne pardonne jamais. Le 26 mars, la plaine d’Asomaton se couvrit d’un essaim actif d’ouvriers turcs ; on leur mena par terre et par mer, de l’Europe et de l’Asie, les matériaux dont ils avaient besoin[1]. La chaux avait été préparée dans la Cataphrygie ; on tira les bois des forêts d’Héraclée et de Nicomédie, et les carrières de l’Anatolie fournirent la pierre. Chacun des mille maçons était aidé de deux manœuvres, et on fixa leur tâche journalière à la mesure de deux

  1. Au lieu de ce récit clair et suivi, les Annales turques (Cantemir, p. 97) font revivre le conte ridicule de la peau de bœuf et du stratagème qu’employa Didon pour la construction de Carthage. Ces Annales, si ce n’est pour ceux qu’égarent des préventions antichrétiennes, sont fort au-dessous des histoires grecques.