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trône relâchèrent la sévérité de cette étroite bigoterie ; son âme ambitieuse ne voulut reconnaître aucun pouvoir au-dessus du sien, et on dit que dans ses momens de liberté il osait traiter le prophète de la Mecque de brigand et d’imposteur. Mais en public, il montra toujours du respect pour la doctrine et la discipline du Koran[1] ; ses indiscrétions privées n’arrivèrent jamais à l’oreille du peuple, et il faut, sur cet objet, se défier beaucoup de la crédulité des étrangers et des sectaires, toujours disposés à croire qu’un esprit endurci contre la vérité doit être armé contre l’erreur et l’absurdité d’un mépris encore plus invincible. Instruit par les maîtres les plus habiles, il fit de rapides progrès dans les diverses routes de l’instruction ; on assure qu’il parlait ou entendait cinq langues[2], l’arabe, le persan, le chaldaïque ou l’hébreu, le latin et le grec. Le persan pouvait contribuer à ses amusemens, et l’arabe à son édification : les jeunes Orientaux apprenaient pour l’ordinaire ces deux langues ; d’après les rapports qui se trouvaient entre les Grecs et les Turcs, il put désirer de savoir la langue d’une nation qu’il voulait asservir :

  1. Cantemir (p. 115) et les mosquées qu’il fonda attestent son respect public pour la religion. Il disputa librement avec le patriarche Gennatius sur la religion grecque et la religion musulmane (Spond., A. D. 1453, no 22).
  2. Quinque linguas præter suam noverat ; græcam, latinam, chaldaïcam, persicam. L’auteur qui a traduit Phranza en latin, a oublié l’arabe, que tous les musulmans étudiaient sans doute afin de lire le livre du prophète.