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relles des nobles et du peuple, des Gibelins et des Guelfes, des Colonne et des Ursins : j’ai exposé dans les deux chapitres précédens les causes et les effets de ces désordres publics, dont plusieurs détails ont échappé à la connaissance de l’histoire, et dont quelques autres ne méritent pas son attention. À cette époque, où tous les différends étaient décidés par l’épée, où personne ne pouvait se fier à des lois sans pouvoir de la sûreté de sa vie ou de sa propriété, les citoyens puissans s’armaient pour l’attaque ou la défense, contre les ennemis, objets de leur haine ou de leur crainte. Si l’on en excepte Venise, toutes les républiques libres de l’Italie se trouvaient dans le même cas ; les nobles avaient usurpé le droit de fortifier leurs maisons et d’élever de grosses tours[1] capables de résister à une attaque subite. Les villes étaient remplies de ces constructions de guerre ; Lucques contenait trois cents tours, dont la hauteur était bornée par les lois à quatre-vingts pieds ; et en suivant la proportion convenable, on peut appliquer ces détails aux états plus riches et plus peuplés. Lorsque le sénateur Brancaleone voulut rétablir la paix et la justice, son premier soin fut, comme nous l’avons dit, de démolir cent quarante des tours qu’on

  1. Tous les faits qui ont rapport aux tours de Rome et des autres villes libres de l’Italie, se trouvent dans la compilation laborieuse et intéressante que Muratori a publiée sous le nom d’Antiquitates Italiæ medii ævi, Dissert. 26, t. II, p. 493-496 du latin, et t. I, p. 446 du même ouvrage en italien.