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d’Odin[1], de briser les chaînes des nations et de châtier les oppresseurs, d’anéantir tous les monumens de la littérature classique, et d’établir leur architecture nationale sur les débris de l’ordre toscan et de l’ordre corinthien. Mais dans la réalité, les guerriers du Nord n’étaient ni assez sauvages ni assez raffinés pour former ces projets de destruction et de vengeance. Les pasteurs de la Scythie et de la Germanie avaient été élevés dans les armées de l’empire ; ils en avaient pris la discipline, et, bien instruits de la faiblesse de l’état, ils entreprirent une invasion. Avec l’usage de la langue latine, ils avaient adopté l’habitude de respecter le nom et les titres de Rome ; et bien qu’hors d’état de chercher à égaler les arts et les travaux littéraires d’une période plus éclairée, ils montraient plus de dispositions à les admirer qu’à les anéantir. Les soldats d’Alaric et de Genseric, maîtres un moment d’une capitale riche et qui n’offrait point de résistance, se livrèrent à toute l’effervescence d’une armée victorieuse. Au milieu des licencieux plaisirs de la débauche et de la cruauté, les richesses d’un transport facile furent l’objet de leurs recherches, et ils ne pouvaient trouver ni orgueil,

  1. Je saisis cette occasion de déclarer que douze années de plus m’ont fait oublier ou rejeter cette histoire de la fuite d’Odin d’Azoph dans la Suède, à laquelle je n’ai jamais cru sérieusement (voy. ce que j’en ai dit au chapit. X). Les Goths sont probablement des Germains ; mais au-delà de César et de Tacite les antiquités de la Germanie n’offrent que de l’obscurité et des fables.