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ne comparent pas des sonnets et des élégies, dont la marche est toujours uniforme et ennuyeuse, aux sublimes compositions de leurs poètes épiques, à l’originalité sauvage du Dante, aux beautés régulières du Tasse, ou à l’inépuisable variété de l’inimitable Arioste. Je suis encore moins propre à juger du mérite de l’amant ; et je m’intéresse peu à une passion métaphysique pour une maîtresse si aérienne, qu’on a contesté son existence[1], pour une femme si féconde[2], qu’elle mit au monde onze enfans légitimes[3], tandis que son amoureux Céladon sou-

  1. L’opinion de ceux qui ne voient dans Laure qu’un personnage allégorique, prévalut dans le quinzième siècle ; mais les prudens commentateurs n’étaient point d’accord, et ils disputaient pour savoir si Pétrarque avait voulu désigner par ce nom la Religion ou la Vertu, la Sainte-Vierge ou… Voy. les préfaces du premier et du second volumes de l’abbé de Sade.
  2. Laure de Noves naquit vers l’an 1307 ; elle épousa, au mois de janvier 1325, Hugues de Sade, noble citoyen d’Avignon, dont la jalousie n’était pas un effet de l’amour, car il se maria une seconde fois sept mois après la mort de Laure, qui arriva le 6 avril 1348, précisément vingt-un ans après l’époque où Pétrarque l’avait vue pour la première fois, et avait senti naître son amour pour elle.
  3. Corpus crebris partubus exhaustum : l’abbé de Sade, biographe de Pétrarque, et si plein de zèle et d’affection pour ce poète, descend, au dixième degré, d’un des enfans de Laure. Il est vraisemblable que c’est ce motif qui lui a fait naître le projet de son ouvrage, et l’a déterminé à rechercher toutes les circonstances d’une histoire si importante pour l’histoire et la réputation de son aïeule. (Voyez