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danger. Ce délai de trois jours, qu’on ne peut expliquer, ranima la valeur des partisans de l’Église, leur donna le temps d’agir, et Boniface fut délivré des mains sacriléges qui le retenaient ; mais ce caractère impérieux avait reçu une mortelle blessure. Boniface mourut à Rome dans un accès de rage et de ressentiment. Deux vices éclatans, l’avarice et l’orgueil, ont déshonoré sa mémoire ; et son courage qui, dans la cause de l’Église, devint celui d’un martyr, n’a pu lui obtenir les honneurs de la canonisation. « Ce fut un magnanime pécheur, disent les chroniques du temps, qui se glissa comme un renard sur le trône apostolique, régna comme un lion, et mourut comme un chien. » Il eut pour successeur Benoît XI, le plus doux des hommes, qui cependant excommunia les émissaires impies de Philippe-le-Bel, et lança sur la ville et le peuple d’Agnani d’effrayantes malédictions dont les esprits superstitieux croient encore apercevoir les effets[1].

Translation du saint siége à Avignon. A. D. 1309.

À sa mort, l’habileté de la faction française fixa la longue indécision du conclave. Elle proposa que la faction opposée désignât trois cardinaux parmi lesquels le parti français serait tenu d’en choisir un dans l’espace de quarante jours : cette offre spécieuse

  1. Il n’est pas aisé de savoir si Labat (t. IV, p. 53-57) s’amusait ou parlait sérieusement, lorsqu’il suppose qu’Agnani éprouve encore l’effet de cette malédiction de Benoît XII ; et que la nature, fidèle esclave des papes, y arrête chaque année la maturité des champs de blé, des vignes ou des oliviers.