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évêques russes avaient puisé leurs principes au mont Athos, et le souverain, ainsi que les sujets, suivaient les opinions théologiques de leur clergé. Le titre, le faste et la croix latine du légat, ami de ces hommes impies qui rasaient leur barbe, célébraient le service divin avec des gants aux mains et des bagues aux doigts, furent pour les Russes autant de sujets de scandale. Isidore fut condamné par un synode ; ou renferma dans un monastère, et ce cardinal n’échappa qu’avec beaucoup de difficulté à la fureur d’un peuple féroce et fanatique[1]. Les Russes refusèrent le passage aux missionnaires de Rome, qui allaient travailler à convertir les païens au-delà du Tanaïs[2], et justifièrent leur refus par cette maxime

  1. Le curieux récit de Lévesque (Hist. de Russie, t. II, p. 342-347) est extrait des archives du patriarchat. Les événemens de Ferrare et de Florence y sont décrits avec autant de partialité que d’ignorance. Mais on peut en croire les Russes relativement à leurs propres préjugés.
  2. Le chamanisme ou l’ancienne religion des chamans ou gymnosophistes, a été repoussé par la religion plus populaire des brames de l’Inde dans les déserts du Nord. Des philosophes qui allaient tout nus, furent obligés de s’envelopper dans des fourrures. Ils dégénérèrent à la longue en magiciens ou charlatans. Les Morvans ou Tchérémisses de la Russie européenne professent cette religion constituée d’après le modèle terrestre d’un roi ou Dieu, de ses ministres ou anges, et des esprits rebelles qui contrarient son gouvernement. Comme ces tribus du Volga n’admettent point les images, elles pouvaient, avec beaucoup plus de justice, rétorquer sur les Latins le nom d’idolâtres que leur