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de ces biens. Nul criminel ne fut assez puissant pour braver sa justice, ou assez obscur pour y échapper. Il fit mourir sur un gibet deux nobles de la famille d’Annibaldi ; il fit détruire sans aucun égard, dans Rome et dans la campagne d’alentour, cent quarante tours qui servaient de repaires aux brigands. Il traita le pape comme un simple évêque, et l’obligea de résider dans son diocèse : les ennemis de Rome craignirent et éprouvèrent la puissance de ses armes. Les Romains, indignes du bonheur dont il les faisait jouir, payèrent ses services d’ingratitude. Excités par les voleurs publics, dont il s’était pour eux attiré la haine, ils déposèrent et emprisonnèrent leur bienfaiteur, et n’auraient pas épargné sa vie, si Bologne n’avait pas eu des garans de sa sûreté. Avant de partir, Brancaleon avait prudemment exigé qu’on livrât trente otages des premières familles de Rome ; dès qu’on sut le podesta en danger, sa femme demanda qu’on fît autour des otages une garde plus sévère ; et Bologne, fidèle à l’honneur, brava les censures du pape. Cette généreuse résistance laissa aux Romains le loisir de comparer le présent et le passé, Brancaleon fut tiré de sa prison, et conduit au Capitole au milieu des acclamations du peuple. Il continua de gouverner avec fermeté et avec succès ; et lorsque sa mort eut fait taire l’envie, on renferma sa tête dans un vase précieux, qu’on déposa au sommet d’une grande colonne de marbre[1].

  1. Matthieu Paris termine ainsi le morceau sur Bran-