Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.

inspirer la crainte, ils vivent eux-mêmes dans des transes continuelles et avilissantes ; ils ne veulent pas se soumettre, et ils ne savent point gouverner ; sans foi envers leurs supérieurs ; insupportables à leurs égaux ; ingrats pour leurs bienfaiteurs ; d’une égale impudence dans leurs demandes et dans leurs refus, ils sont magnifiques dans leurs promesses, misérables dans l’exécution ; enfin l’adulation et la calomnie, la perfidie et la trahison, sont les moyens ordinaires de leur politique. » Sûrement ce sombre portrait n’a pas été coloré par le pinceau de la charité chrétienne[1] ; mais quelque bizarre et difforme qu’il puisse paraître, il offre l’image frappante des Romains du douzième siècle[2].

Hérésie politique d’Arnaud de Brescia. A. D. 1140.

Les Juifs n’avaient point voulu reconnaître Jésus-Christ lorsqu’il parut à leurs regards sous le caractère d’un homme du peuple, et lorsque son vicaire s’environnait de la pourpre et de l’orgueil du monarque de ce monde, les Romains pouvaient également le méconnaître. L’agitation des croisades avait fait re-

  1. Pétrarque, en qualité de citoyen romain, prend la liberté d’observer que saint Bernard, quoique saint, était un homme, que le ressentiment put l’entraîner, qu’il a pu se repentir de sa précipitation, etc. (Mém. sur la vie de Pétrarque, t. I, p. 330.)
  2. Baronius, dans l’Index du douzième volume de ses Annales, emploie une excuse simple et facile ; il fait deux parts des Romani : il distingue les catholici des schismatici. Il applique aux premiers tout le bien, et aux seconds tout le mal qu’on a dit de la ville de Rome.