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baron puissant et factieux, entra dans le conclave ; furieux et les armes à main, il dépouilla, frappa, foula à ses pieds les cardinaux, et saisit sans respect et sans pitié le vicaire de Jésus-Christ à la gorge : il traîna Gélase par les cheveux, l’accabla de coups, le blessa avec ses éperons, et le fit conduire dans sa propre maison, où il l’enchaîna. Une insurrection du peuple délivra le pontife ; les familles rivales de Frangipani s’opposèrent à sa fureur ; et Cencio, qui se vit contraint de demander pardon, regretta moins son entreprise que son mauvais succès. Peu de jours après, le pape fut encore attaqué au pied des autels. Tandis que ses ennemis et ses partisans se livraient un combat meurtrier, il se sauva en habits pontificaux. Les compagnons de cette indigne fuite, qui excita la pitié des matrones romaines, furent ou dispersés ou désarçonnés, et on trouva le pape seul et à demi mort de crainte et de fatigue dans les champs situés derrière l’église de Saint-Pierre. Après avoir, selon le langage de l’Écriture, secoué la poussière de ses souliers, l’apôtre s’éloigna d’une ville où sa dignité était insultée et sa personne en danger ; et avouant involontairement qu’il valait mieux obéir à un seul empereur que se voir soumis à tant de maîtres, il mit au jour la vanité de ce pouvoir qui

    custode remoto papam per gulam accepit, distraxit, pugnis calcibusque percussit, et tanquam brutum animal intra limen ecclesiæ acriter calcaribus cruentavit ; et latro tantum Dominum per capillos et brachia, Jesu bono interim dormiente, detraxit ad domum usque deduxit, inibi catenavit et inclusit.