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mait les évêques et les abbés du Nord et de l’Occident à venir solliciter ou porter des plaintes, accuser leurs ennemis ou se justifier au sanctuaire des saints apôtres. On citait un fait qu’il faut regarder comme une espèce de prodige : on dit que deux chevaux appartenant à l’archevêque de Mayence et à l’archevêque de Cologne, repassèrent les Alpes encore chargés d’or[1] et d’argent : mais on ne tarda pas à voir que le succès des pèlerins et des cliens dépendait moins de la justice de la cause que de la valeur de l’offrande. Ces étrangers déployaient avec ostentation leurs richesses et leur piété, et leurs dépenses, sacrées ou profanes, tournaient par mille canaux au profit des Romains.

Inconstance de la superstition.

Des raisons si puissantes devaient maintenir le peuple de Rome dans une volontaire et pieuse soumission envers son père spirituel et temporel. Mais l’opération du préjugé ou de l’intérêt est souvent troublée par les mouvemens indomptables des passions. Le sauvage qui coupe l’arbre pour en cueillir le fruit[2], l’Arabe qui pille les caravanes des com-

  1. Germanici… Summarii non levatis sarcinis onusti nihilominus repetriant inviti. Nova res ! Quando hactenus aurum Roma refudit ? et nune Romanorum consilio id usurpatum non credimus (saint Bernard, De Consideratione, l. III, c. 3, p. 437). Les premiers mots de ce passage sont obscurs et vraisemblablement altérés.
  2. « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l’arbre au pied et cueillent le fruit. Voilà le gouvernement despotique » (Esprit des Lois, l. v.