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suspendre leurs querelles domestiques. Chacun d’eux porta le fer et la flamme sur le territoire de l’autre ; ils consumèrent dans cette guerre dénaturée les aumônes et les secours de l’Occident, et ne firent servir leur puissance qu’à des exécutions barbares et arbitraires. Dans sa détresse et son ressentiment, le plus faible des deux eut recours à leur commun maître ; et lorsque le moment du succès et de la vengeance fut arrivé, Mahomet se déclara l’ami de Démétrius, et entra dans la Morée avec des forces irrésistibles. Après avoir pris possession de Sparte : [Perte de la Morée. A. D. 1460.]« Vous êtes trop faible, dit-il à son allié, pour contenir cette province turbulente. Votre fille sera reçue dans mon lit, et vous passerez le reste de vos jours dans la tranquillité et les honneurs. » Démétrius soupira, mais obéit. Il livra sa fille et ses forteresses ; il suivit à Andrinople son souverain et son gendre, et reçut, pour son entretien et celui de sa maison, une ville de la Thrace et les îles adjacentes d’Imbros, de Lemnos et de Samothrace. Il y fut rejoint l’année suivante par un compagnon d’infortune, David, le dernier des princes de la race des Comnène, qui, après la prise de Constantinople par les Latins, avait fondé un nouvel empire sur la côte de la mer Noire[1]. Mahomet, qui poursuivait ses conquêtes dans l’Anatolie, investit, avec une escadre et une

  1. Voyez la perte ou la conquête de Trébisonde dans Chalcocondyles (l. IX, p. 263-266), Ducas (c. 45), Phranza (l. III, c. 27) et Cantemir (p. 107).