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tres[1], que les Turcs prenaient pour les idoles ou les talismans de la ville. Il descendit de cheval à la grande porte de Sainte-Sophie, entra dans l’église, et se montra si jaloux de conserver ce monument de sa gloire, qu’apercevant un zélé musulman occupé à briser le pavé de marbre, il l’avertit d’un coup de cimeterre que s’il avait accordé à ses soldats le butin et les captifs, il avait réservé pour le souverain les édifices publics et particuliers, La métropole de l’Église d’Orient fut, par ses ordres, transformée en mosquée ; les riches objets de la superstition, ceux, qu’on avait pu déplacer, ne s’y trouvaient plus ; on renversa les croix ; les murs couverts de peintures à fresque et de mosaïques furent lavés, purifiés et dépouillés de tout ornement. Le même jour ou le vendredi suivant, le muezin ou le crieur proclama, du haut de la tour la plus élevée, l’ezam ou invitation publique au nom de Dieu et de son prophète ; l’iman prêcha, et Mahomet II fit la namaz de prières et d’actions de grâces sur le grand autel, où l’on avait célébré les mystères chrétiens, si peu de jours avant, devant le dernier des Césars[2]. En sortant de Sainte--

  1. J’ai déjà parlé de ce monument curieux de l’antiquité grecque. Voyez le Chapitre XVII de cet ouvrage.
  2. Nous devons à Cantemir (p. 102) les détails donnés par les Turcs sur la conversion de Sainte-Sophie en mosquée, que Phranza et Ducas déplorent avec tant d’amertume. Il est assez amusant d’observer comment le même objet paraît sous des jours opposés à un musulman et à un chrétien.