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sable quantité de marbres : on transporta les autres matériaux du fond de l’Europe et de l’Asie ; les édifices publics et particuliers, les palais, les églises, les acquéducs, les citernes, les portiques, les colonnes, les bains et les hippodromes furent tous construits sur des dimensions convenables à la grandeur de la capitale de l’Orient. Le superflu des richesses de la ville se répandit le long des rivages de l’Europe et de l’Asie ; et les alentours de Byzance jusqu’à l’Euxin, à l’Hellespont et au grand mur, ressemblaient à un populeux faubourg ou à une suite continuelle de jardins. Dans ce tableau enchanteur, l’orateur confond adroitement le passé avec le présent, les temps de prospérité avec celui de la décadence ; mais la vérité lui échappe involontairement, et il avoue, en soupirant, que sa malheureuse patrie n’est plus que l’ombre ou le tombeau de la superbe Byzance. Les anciens ouvrages de sculpture avaient été défigurés par le zèle aveugle des chrétiens ou par la violence des Barbares. Les plus beaux édifices étaient démolis ; on brûlait les marbres précieux de Paros et de la Numidie pour en faire de la chaux, ou on les employait aux usages les plus grossiers. La place de la plupart des statues était marquée par un piédestal vide ; on ne pouvait juger des dimensions de la plupart des colonnes que par les restes d’un chapiteau brisé. Les débris des tombes des empereurs étaient dispersés sur le sol ; les ouragans et les tremblemens de terre avaient secondé les coups du temps, et la tradition populaire ornait les espaces vides de