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ges turcs. Lorsqu’ils appareillèrent, une foule suppliante couvrit la grève ; mais ils ne pouvaient se charger de tant de malheureux ; les Vénitiens et les Génois choisirent leurs compatriotes ; et malgré les promesses de Mahomet, les habitans de Galata abandonnèrent leurs maisons et se sauvèrent avec ce qu’ils avaient de plus précieux.

Évaluation du butin.

Dans la peinture du sac des grandes villes, l’historien est condamné à d’uniformes récits des mêmes calamités ; les mêmes passions produisent les mêmes effets, et lorsque ces passions n’ont plus de frein, l’homme civilisé diffère, hélas ! bien peu de l’homme sauvage. Parmi les vagues exclamations de la bigoterie et de la haine, nous ne trouvons pas qu’on accuse les Turcs d’avoir versé de gaîté de cœur le sang des chrétiens ; mais, selon leurs maximes, qui furent celles de l’antiquité, la vie des vaincus leur appartenait, et le vainqueur eut pour récompense de ses exploits, les services, le prix de la vente ou la rançon de ses captifs de l’un ou l’autre sexe[1]. Le sultan avait accordé à ses soldats toutes les richesses de Constantinople, et une heure de pillage enrichit plus que le travail de plusieurs années. Mais le butin n’ayant pas été partagé d’une manière régulière, le mérite n’en fixa pas les portions ; et les valets du camp, qui n’avaient point essuyé la fatigue et les

  1. Busbecq s’étend avec plaisir et approbation sur les droits de la guerre et sur la servitude si commune parmi les anciens et parmi les Turcs. (De legat. Turcicâ, epist. 3, p. 161.)