Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces dieux et ces hommes avaient disparu depuis long-temps ; mais aux yeux de l’enthousiaste éclairé, la majesté de ses ruines reproduisait l’image de son ancienne prospérité. Les monumens des consuls et des Césars, des martyrs et des apôtres, excitaient de toutes parts la curiosité du philosophe et celle du chrétien. Manuel confessa que les armes et la religion de Rome avaient été destinées à régner dans tous les temps sur l’univers ; mais sa vénération pour les beautés respectables de la mère patrie ne lui faisait point oublier les charmes de la plus belle de ses filles, dans le sein de laquelle il avait pris naissance. Le patriote Byzantin célèbre avec autant de chaleur que de vérité les avantages naturels et éternels de Constantinople, ainsi que les monumens plus fragiles de la puissance et des arts dont elle était ou avait été embellie. (Cependant il observe modestement que la perfection de la copie ne fait que tourner à la gloire de l’original, et que les parens se voient avec plaisir retracés ou même surpassés par leurs enfans. « Constantinople, dit l’orateur, est située sur une colline entre l’Europe et l’Asie, entre l’Archipel et la mer Noire. Elle joint ensemble, pour l’avantage commun des nations, les deux mers et les deux continens, et tient à son gré les portes du commerce ouvertes ou fermées. Son port, environné de tous côtés par le continent et la mer, est le plus vaste et le plus sûr de l’univers. On peut comparer les portes et les murs de Constantinople à ceux de Babylone : ses tours hautes et nombreuses sont con-