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mer. Mais le comte de Flandre, âgé de trente-deux ans, vaillant, pieux et chaste, était chef d’un peuple riche et belliqueux, descendant de Charlemagne, cousin du roi de France, et pair des barons et des prélats qui auraient consenti avec répugnance à se soumettre à l’empire d’un étranger. Ces barons, le doge et le marquis à leur tête, attendaient à la porte de la chapelle la décision des électeurs. L’évêque de Soissons vint l’annoncer au nom de ses collègues. « Vous avez juré, dit-il, d’obéir au prince que nous choisirons ; par nos suffrages unanimes, Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, est votre souverain et empereur d’Orient. » Le comte fut salué par de bruyantes acclamations, que répétèrent bientôt, dans toute la ville, la joie des Latins et la tremblante adulation des Grecs. Boniface s’empressa le premier de baiser la main de son rival et de l’élever sur un bouclier. Baudouin fut transporté dans la cathédrale, où on lui chaussa solennellement les brodequins de pourpre. Trois semaines après l’élection, il fut couronné par le légat du pape, faisant les fonctions de patriarche ; mais le clergé vénitien remplit bientôt le chapitre de Sainte-Sophie, plaça Thomas Morosini sur le trône ecclésiastique, et ne négligea aucun moyen pour conserver à sa nation les honneurs et les bénéfices de l’Église grecque[1]. Le successeur de

  1. Ils exigèrent de Morosini qu’il fit serment de ne recevoir dans le chapitre de Sainte-Sophie, chargé de droit des élections, que des Vénitiens qui auraient habité Venise au moins pendant dix ans ; mais le clergé fut jaloux de la