Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils caparaçonnaient jusqu’à leurs chevaux : l’intempérance grossière de leurs orgies[1] insultait à la sobriété fastueuse des Orientaux, et en dérision des armes propres à un peuple de scribes et d’étudians, ils portaient à la main une plume, du papier et une écritoire, sans s’apercevoir que les instrumens de la science étaient entre les mains des Grecs modernes, aussi faibles et aussi inutiles que ceux de la valeur.

Destruction des statues.

Leur langue et leur réputation semblaient cependant les autoriser à mépriser l’ignorance des Latins et leurs faibles progrès[2]. Dans l’amour ou le respect des arts, la différence des deux nations était encore plus sensible. Les Grecs conservaient, avec vénération, les monumens de leurs ancêtres qu’ils ne pouvaient pas imiter, et nous ne pouvons nous empêcher de partager la douleur et le ressentiment de Nicétas, lorsqu’il rapporte la destruction des sta-

  1. Si j’ai bien compris le texte grec de Nicétas, leurs mets favoris étaient des culottes de bœuf bouillies, du porc salé avec des pois, et de la soupe avec de l’ail et des herbes acres ou acides (p. 382).
  2. Nicétas emploie des expressions très-dures, παρ αγραμματοις Βαρβαροις, και τελεον αναλφαβητοις (Frag. apud Fabricius, Bibl. græc., t. VI, p. 414.) Il est vrai que ce reproche s’applique particulièrement à leur ignorance de la langue grecque et des sublimes ouvrages d’Homère. Les Latins des douzième et treizième siècles ne manquaient point d’ouvrages de littérature dans leur propre langue. Voyez les Recherches philologiques de Harris, p. 111, c. 9, 10, 11.