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elle avait été volontaire, aurait pu être méritoire. [Sacriléges et railleries.]Pendant ce temps, les Latins, entraînés par la licence et l’esprit de parti, pillaient et profanaient ses églises. Après avoir arraché des calices les perles et les pierres précieuses dont ils étaient ornés, les pèlerins s’en servirent en guise de coupes. Ils jouaient et buvaient sur des tables où étaient représentées les figures du Christ et de ses apôtres, et foulaient aux pieds les objets les plus vénérables du culte des chrétiens. Dans l’église de Sainte-Sophie, les soldats déchirèrent en lambeaux le voile du sanctuaire pour en arracher la frange d’or ; ils mirent en pièces et se partagèrent le maître-autel, monument de l’art et de la richesse des Grecs ; on chargeait, au milieu des églises, sur des mulets et des chevaux, les ornemens d’or et d’argent qu’on arrachait des portes et de la chaire ; et lorsqu’ils pliaient sous le fardeau, leurs impatiens conducteurs les poignardaient, et leur sang inondait le pavé du sanctuaire. Une prostituée s’assit sur le siége du patriarche, et cette fille de Bélial, dit l’historien, chanta et dansa dans l’église pour ridiculiser les hymnes et les processions des Orientaux : l’avidité ne respecta pas même les tombeaux des souverains placés dans l’église des apôtres ; et l’on prétend que le corps de Justinien, inhumé depuis six siècles, fut trouvé tout entier, et sans aucun signe de putréfaction. Les Français et les Flamands couraient les rues de la ville, coiffés de voiles flottans, et enveloppés de longues robes peintes dont