d’un ton lamentable : « Saint marquis roi, ayez pitié de nous ! » Sa prudence ou sa compassion fit ouvrir aux fugitifs les portes de la ville, et il exhorta les soldats de la croix à épargner le sang des chrétiens. Les flots de sang que fait couler Nicétas peuvent être réduits au massacre de deux mille de ses compatriotes égorgés sans résistance[1], et on ne peut pas même en accuser entièrement les conquérans : le plus grand nombre fut immolé par la colonie latine, que les Grecs avaient chassée de la ville, et qui se livrait aux ressentimens d’une faction triomphante. Quelques-uns de ces exilés se montrèrent cependant plus sensibles aux bienfaits qu’aux outrages, et Nicétas lui-même dut la conservation de sa vie à la générosité d’un marchand vénitien. Le pape Innocent accuse les pèlerins de n’avoir respecté, dans leur emportement de débauche, ni le sexe, ni l’âge, ni la profession religieuse ; il déplore amèrement que des œuvres de ténèbres, des viols, des adultères et des incestes aient été commis en plein jour ; et se plaint de ce que de nobles matrones et de saintes religieuses furent déshonorées par les valets et les paysans qui remplissaient l’armée catholique[2]. Il est assez probable que la licence de la
- ↑ Ceciderunt tamen câ die civium quasi duo millia, etc. (Gunther, c. 18.) L’arithmétique est une pierre de touche pour évaluer l’exagération de la passion et des figures de rhétorique.
- ↑ Quidam (dit Innocent III, Gesta, c. 94, p. 538) nec religioni, nec ætati, nec sexui pepercerunt : sed fornica-