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Latins encore plus odieux au peuple ; et une colonie d’Occidentaux, établie dans la ville, composée de plus de quinze mille personnes, crut devoir, pour sa sûreté, se retirer précipitamment dans le faubourg de Péra, à l’abri des drapeaux des confédérés. Le jeune empereur revint victorieux ; mais la politique la plus ferme et la plus sage aurait échoué dans la tempête qui entraîna sa ruine et celle de son gouvernement. Son inclination et les conseils de son père l’attachaient à ses bienfaiteurs ; mais Alexis hésitait entre la reconnaissance et le patriotisme, entre la crainte de ses sujets et celle de ses alliés[1]. Sa conduite faible et irrésolue lui enleva l’estime et la confiance des deux partis. Tandis qu’à sa sollicitation le marquis de Montferrat occupait le palais, il souffrait que les nobles conspirassent et que le peuple prît les armes pour chasser les étrangers. Insensibles à l’embarras de sa situation, les chefs des Latins le pressèrent de remplir les conditions du traité, s’irritèrent des délais, soupçonnèrent ses intentions, et exigèrent que, par une réponse décisive, il déclarât la paix ou la guerre. Ce message orgueilleux lui fut porté par trois chevaliers français et trois vénitiens : ils traversèrent sur leurs chevaux, et l’épée au côté,

  1. Comparez les plaintes et les soupçons de Nicétas (p. 359-362) avec les accusations positives de Baudouin de Flandre (Gesta Innocent. III, c. 92, p. 534), cum patriarcha et mole nobilium, nobis promissis perjurus et mendax.