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fide. Alexis offrit de défrayer leur dépense et d’acquitter en leur nom le fret des vaisseaux vénitiens, s’ils voulaient prolonger leur séjour durant une année. Cette offre fut agitée dans le conseil des barons : après de nouveaux débats et de nouveaux scrupules, les chefs des Français cédèrent une seconde fois à l’opinion du doge et aux prières du jeune empereur. Le marquis de Montferrat consentit, pour le prix de seize cents livres d’or, à conduire le fils d’Isaac avec une armée dans toutes les provinces d’Europe, pour y établir son autorité et poursuivre son oncle, tandis que la présence de Baudouin et des autres confédérés en imposerait aux habitans de Constantinople. L’expédition réussit ; et les flatteurs qui environnaient le trône prédisaient à leur monarchie aveugle, que la Providence qui l’avait tiré d’un cachot le guérirait de la goutte, lui rendrait la vue, et veillerait, durant de longues années, sur la prospérité de son empire. Le père d’Alexis, fier du succès de ses armes, les écoutait avec confiance ; mais la gloire toujours croissante de son fils commença bientôt à tourmenter l’âme soupçonneuse d’un vieillard ; et tout l’orgueil de ce père envieux ne pouvait lui dissimuler que tandis qu’on ne lui accordait qu’à regret quelques faibles acclamations[1], Alexis était le sujet des louanges les plus universelles et les plus sincères.

  1. Le règne d’Alexis Comnène contient dans Nicétas trois livres entiers ; et il expédie en cinq chapitres la courte restauration d’Isaac et de son fils (p. 302-362).