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Ils eurent tout le loisir de considérer la difficulté de leur entreprise. Des portes de la ville, il sortait continuellement, à la droite et à la gauche de leur petit camp, des partis de cavalerie et d’infanterie légère, qui massacraient les traîneurs, dépouillaient la campagne de tout moyen de subsistance, et faisaient prendre les armes cinq ou six fois par jour. Les Français furent contraints, pour leur sûreté, de planter une palissade et de creuser un fossé. Soit que les Vénitiens eussent fourni trop peu de provisions ou que les Francs les eussent prodiguées, ceux-ci commencèrent, comme à l’ordinaire, à se plaindre de la disette, et peut-être à l’éprouver réellement ; il ne restait de la farine que pour trois semaines, et les soldats, dégoûtés de viande salée, commençaient à manger des chevaux. Le lâche usurpateur était défendu par son gendre Théodore Lascaris, jeune homme plein de valeur, qui aspirait à devenir le libérateur et le maître de son pays. Les Grecs, indifférens pour leur patrie, avaient été réveillés par le danger où se trouvait leur religion ; mais ils fondaient leur principal espoir dans le courage des gardes varangiennes, composées, au rapport des historiens, de Danois et d’Anglais[1]. Après dix jours d’un travail sans relâche, le fossé fut rempli, les assiégeans formèrent régulièrement leur attaque ; et

  1. Villehardouin (nos 89-95) désigne les gardes ou Varangi par les noms d’Anglais et de Danois avec leurs haches. Quelle que fût leur origine, un pèlerin français ne pouvait se tromper sur les nations dont ils étaient alors composés.