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Scutari, le faubourg asiatique de Constantinople ; quatre-vingts chevaliers français surprirent et mirent en fuite un corps de cinq cents hommes de cavalerie grecque, et une halte de neuf jours suffit pour fournir abondamment le camp de fourrages et de provisions.

L’empereur tente inutilement une négociation.

Il pourra paraître extraordinaire qu’en racontant l’invasion d’un grand empire, je n’aie point parlé des obstacles qui devaient s’opposer au succès des conquérans. Les Grecs manquaient, à la vérité, de courage ; mais ils étaient riches et industrieux, et ils obéissaient à un prince absolu. Mais il aurait fallu que ce prince pût être capable de prévoyance tandis que ses ennemis furent éloignés, et de courage dès qu’il les vit approcher. Il reçut avec dédain les premières nouvelles de l’alliance de son neveu avec les Français et les Vénitiens ; ses courtisans lui persuadèrent que ce mépris était sincère et l’effet de son courage. Chaque soir, sur la fin d’un banquet, il mettait trois fois en déroute les Barbares de l’Occident. Ces Barbares redoutaient avec raison ses forces navales ; et les seize cents bateaux pêcheurs de Constantinople[1] auraient fourni des matelots pour armer une flotte capable d’ensevelir les galères vénitiennes dans la mer Adriatique, ou de leur fermer le passage de

  1. Eandem urbem plus in solis navibus piscatorum abundare, quam illos in toto navigio. Habebat enim mille et sexcentas piscatorias naves… Bellicas autem sive mercatorias habebant infinite multidinis et portum tutissimum. Gunther, Hist. C. P., c. 8, p. 10.