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L’île de Corfou lui servit de lieu de relâche et de repos. Après avoir doublé sans accident le dangereux cap Malée, qui forme la pointe méridionale de l’Hellespont ou de la Morée, les confédérés firent une descente dans les îles de Négrepont et d’Andros[1], et jetèrent l’ancre à Abydos, sur la rive asiatique de l’Hellespont. Les préludes de la conquête ne furent ni difficiles ni sanglans. Les provinciaux grecs, sans, patriotisme et sans courage, n’entreprirent point de résister. La présence de l’héritier légitime pouvait justifier leur obéissance dont ils furent récompensés par la modération et la discipline sévère, des confédérés. En traversant l’Hellespont, leur flotte se trouva resserrée dans un canal étroit, et leurs voiles innombrables obscurcirent la surface des eaux. Ils reprirent leur distance dans le vaste bassin de la Propontide, et voguèrent sur cette mer tranquille jusqu’aux attérages de la côte d’Europe, à l’abbaye de Saint-Étienne, environ à trois lieues, à l’ouest de Constantinople. Le doge les dissuada sagement de se séparer sur une côte ennemie et peuplée ; et comme les provisions tiraient à leur fin, on résolut de les renouveler, durant le temps des moissons, dans les îles fertiles de la Propontide. Les confédérés dirigèrent leur course conformément à cette intention ; mais un coup de vent

  1. Dans ce Voyage, presque tous les noms géographiques se trouvent défigurés par les Latins : le nom moderne de Chalcis et de toute l’Eubée est dérivé du nom de l’Euripus, d’où Esripo, Negripo, Negrepont, qui déshonore nos cartes. (D’Anville, Géogr. ancienne, t. I, p. 263.)