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parées pour le combat, composaient cette flotte formidable[1]. Le vent était favorable, la mer tranquille et le ciel serein ; tous les regards se fixaient avec admiration sur cette scène martiale et brillante. Les boucliers des chevaliers et des écuyers, servant à la fois d’ornement et de défense, étaient rangés sur les deux bords des vaisseaux ; les diverses bannières des nations et des familles, flottant à la proue, formaient un spectacle magnifique et imposant. Des catapultes et des machines propres à lancer des pierres et à ébranler des murs, tenaient lieu de notre artillerie moderne : une musique militaire charmait la fatigue et l’ennui de la navigation, et les guerriers s’encourageaient mutuellement dans la confiance que quarante mille héros chrétiens suffisaient pour faire la conquête de l’univers[2]. La flotte fut heureusement conduite de Venise à Zara par l’habileté et l’expérience des pilotes vénitiens ; elle arriva sans accident à Durazzo, située sur le territoire de l’empereur grec.

  1. La naissance et la dignité d’André Dandolo lui donnaient des motifs et des moyens pour rechercher dans les archives de Venise l’histoire de son illustre ancêtre. Le laconisme de son récit rend un peu suspectes les relations modernes et verbeuses de Sanudo (in Muratori, Scriptores rerum italicarum, t. XXII), Blondus, Sabellicus et Rhamnusius.
  2. Villehardouin, no 62. Ses sentimens sont aussi originaux que sa manière de les exprimer ; il est sujet à pleurer, mais ne se réjouit pas moins de la gloire et du danger des combats avec un enthousiasme auquel un écrivain sédentaire ne peut atteindre.