Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.

yeux de Pline et de Théophraste, et quelques-uns d’eux, dévots païens, rendaient secrètement hommage aux dieux d’Homère et de Platon[1]. Les Italiens, dans le siècle qui suivit la mort de Pétrarque et de Boccace, se trouvèrent écrasés sous le nombre et la puissance de leurs anciens auxiliaires. On vit paraître une foule d’imitateurs latins que nous laissons convenablement reposer sur les rayons de nos bibliothéques ; mais on citerait difficilement, à cette époque d’érudition, la découverte d’une science, un ouvrage d’invention ou d’éloquence dans la langue[2] nationale. Cependant, aussitôt que le sol eut

  1. Je choisirai trois exemples singuliers de cet enthousiasme classique, 1o. au synode de Florence, Gemistus Pletho dit à George de Trébisonde, dans une conversation familière, que toutes les nations renonceraient bientôt à l’Évangile et au Koran, pour embrasser une religion ressemblante à celle des Gentils (Léo Allatius, apud Fabricius, t. X, p. 751). 2oPaul II persécuta l’Académie romaine, fondée par Pomponius-Lætus, et les principaux membres furent accusés d’hérésie, d’impiété et de paganisme (Tiraboschi, t. VI, part. I, p. 81, 82). 3o. Dans le siècle suivant, des étudians et des poètes célébrèrent en France la fête de Bacchus, et immolèrent, dit-on, un bouc en réjouissance des succès que Jodelle avait obtenus par sa tragédie de Cléopâtre (Dictionnaire de Bayle, art. Jodelle ; Fontenelle, t. III, p. 56-61). À la vérité, l’esprit de bigoterie a souvent découvert une impiété sérieuse dans ce qui n’était qu’un jeu de l’imagination et du savoir.
  2. Boccace ne mourut que dans l’année 1375, et nous ne pouvons placer la composition du Morgante Maggiore de Louis Pulci et de l’Orlando Innamorato du Boyardo,