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vaux, leurs troupes et leurs machines de guerre, et forcèrent la ville de se rendre, le cinquième jour, à discrétion. On épargna la vie des habitans, mais en punition de leur révolte, on pilla leurs maisons, et les murs de la ville furent démolis. La saison était fort avancée, les confédérés résolurent de choisir un port sûr dans un pays fertile, pour y passer tranquillement l’hiver ; mais leur repos y fut troublé par les animosités nationales des soldats et des mariniers et les fréquentes querelles qui en étaient la suite. La conquête de Zara avait été une source de discorde et de scandale. La première expédition des alliés avait teint leurs armes, non pas du sang des infidèles, mais de celui des chrétiens ; le roi de Hongrie et ses nouveaux sujets étaient eux-mêmes au nombre des champions de la croix, et la crainte ou l’inconstance augmentait les scrupules des dévots. Le pape avait excommunié des croisés parjures qui pillaient et massacraient leurs frères[1] : l’anathème du pontife n’épargna que le marquis Boniface et Simon de Montfort ; l’un, parce qu’il ne s’était point trouvé au siége, et l’autre, parce qu’il abandonna tout-à-fait la confédération. Innocent aurait pardonné volontiers aux simples et dociles pénitens français ; mais il s’indignait contre l’opiniâtre raison des Vénitiens qui refusaient d’avouer leur faute, d’accepter le pardon et de reconnaître l’autorité d’un prêtre, relativement à leurs affaires temporelles.

  1. Voyez toute la transaction et les sentimens du pape dans les Épîtres d’Innocent III. Gesta, c. 86, 87, 88.