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de l’état et des révolutions de son empire. Il avait appris tous ces détails d’une dame de Savoie, de la suite de l’impératrice Anne[1]. Si Clément ne possédait pas les vertus d’un prêtre, il avait du moins l’élévation et la magnificence d’un prince, et distribuait les bénéfices et les royaumes avec la même facilité. Sous son règne, Avignon fut le siége du faste et des plaisirs. Il avait surpassé dans sa jeunesse la licence des mœurs d’un baron, et son palais, lorsqu’il fut devenu pape, sa chambre à coucher même, étaient souvent embellis ou déshonorés par la présence de ses favorites. Les guerres de la France et de l’Angleterre ne permettaient pas de penser à une croisade ; mais la vanité de Clément s’amusa de ce projet brillant, et les ambassadeurs grecs s’en retournèrent avec deux prélats latins députés par le pontife. À leur arrivée à Constantinople, l’empereur et les nonces se complimentèrent mutuellement sur leur éloquence et leur piété. Les fréquentes conférences se passèrent en louanges et en promesses, dont ils se laissaient réciproquement amuser sans y donner la moindre confiance. « Je suis enchanté, leur dit le dévot Cantacuzène, du projet de notre guerre sainte ; elle fera ma gloire personnelle en

  1. On la connaît sous le nom probablement défiguré de Zampea : elle avait accompagné sa maîtresse à Constantinople, où seule elle resta avec elle, Les Grecs eux-mêmes ne purent refuser des louanges à sa prudence, à son érudition et sa politesse. (Cantacuzène, l. I, c. 42.)