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mûr, on les admettait au nombre des quarante agas qui accompagnaient l’empereur, d’où ils étaient élevés, à son choix, au gouvernement des provinces et aux premiers honneurs de l’empire[1]. Cette institution s’adaptait admirablement à la forme et à l’esprit d’une monarchie despotique. Les ministres et les généraux, esclaves du prince dans le sens le plus rigoureux, tenaient de sa bonté leur subsistance et leur instruction. Au moment où ils quittaient le sérail, et laissaient croître leur barbe comme un symbole d’affranchissement, ils se trouvaient revêtus d’un office important, sans esprit de parti, sans liaison d’amitié, sans parens et sans héritiers, dépendant absolument de la main qui les avait tirés de la poussière, et qui pouvait, comme le dit un proverbe turc, briser à sa volonté ces statues de verre[2]. Durant le cours d’une éducation lente et pénible, il était facile à un œil pénétrant de juger leur caractère, l’homme se montrait seul, dépouillé, réduit à son mérite personnel ; et si le prince avait assez de

  1. Cette esquisse de la discipline et de l’éducation turque est principalement tirée de l’État de l’Empire ottoman par Rycault, du Stato militare del Imperia ottomanno du comte Marsigli (à La Haye, 1732, in-fol.), et d’une Description du Sérail, approuvée par M. Greaves lui-même, voyageur attentif, et publiée dans le second volume de ses Œuvres.
  2. D’après la liste de cent quinze visirs jusqu’au siége de Vienne (Marsigli, p. 13), leur place peut être regardée comme un marché pour trois ans et demi.