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rient[1]. Les neuvième et dixième siècles offrent des preuves nombreuses et incontestables de leur dépendance ; et les vains titres, les serviles honneurs de la cour de Byzance, si recherchés de leurs ducs, auraient avili les magistrats d’un peuple libre. Mais l’ambition de Venise et la faiblesse de Constantinople relâchèrent insensiblement les liens de cette dépendance, qui n’avait jamais été ni bien sévère ni bien absolue. L’obéissance se convertit en respect ; les priviléges devinrent des prérogatives, et l’indépendance du gouvernement politique affermit la liberté du gouvernement civil. Les villes maritimes de l’Istrie et de la Dalmatie obéissaient aux souverains de la mer Adriatique ; et lorsque les Vénitiens armèrent contre les Normands en faveur d’Alexis, l’empereur ne réclama point leurs secours comme un devoir de sujets, mais comme un bienfait d’alliés reconnaissans et fidèles. La mer était leur patrimoine[2] ; les Gé-

  1. Lorsque le fils de Charlemagne réclama ses droits de souveraineté, les fidèles Vénitiens lui répondirent : οτι ημεις δο‌υλοι θελομεν ειναι το‌υ Ρομαιων Βασιλεως (Constant. Porphyrogénète, De admin. imper., part. II, c. 28, p. 85) ; et la tradition du neuvième siècle établit le fait du dixième, confirmé par l’ambassade de Luitprand de Crémone. Le tribut annuel que l’empereur leur permit de payer au roi d’Italie, double leur servitude en l’allégeant ; mais le mot odieux de δο‌υλοι doit se traduire comme dans la chartre de 837 (Laugier, Hist. de Venise, t. I, p. 67, etc.), par le terme plus doux de subditi ou fideles.
  2. Voyez les vingt-cinquième et trentième Dissertations des antiquités du moyen âge par Muratori. L’histoire du