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ligne, ils forcèrent les palissades établies pour arrêter la cavalerie, mirent en désordre, après un sanglant combat, les janissaires eux-mêmes, et furent enfin accablés par la multitude d’escadrons qui sortirent des bois et attaquèrent de tous côtés cette poignée de guerriers intrépides. Dans cette journée funeste, Bajazet se fit admirer de ses ennemis par le secret et la rapidité de sa marche, par son ordre de bataille et ses savantes évolutions ; mais ils l’accusent d’avoir inhumainement abusé de la victoire. Après avoir réservé le comte de Nevers et vingt-quatre princes ou seigneurs, dont ses interprètes lui attestèrent le rang et l’opulence, le sultan fit amener successivement devant lui le reste des Français captifs, et sur leur refus d’abjurer leur religion, les fit successivement décapiter en sa présence. La perte de ses plus braves janissaires animait sa vengeance ; et s’il est vrai que dans la journée qui précéda la bataille, les Français eussent massacré leurs prisonniers turcs[1], ils ne durent imputer qu’à eux les effets d’une juste représaille. Un des chevaliers dont il avait épargné la vie, obtint la permission d’aller à Paris raconter cette lamentable histoire et solliciter la rançon des princes captifs. En attendant, l’armée turque traîna le comte de Nevers et les barons français dans ses marches ; ils servirent de trophée aux

  1. Relativement à ce fait odieux, l’abbé de Vertot cite l’histoire anonyme de saint Denis, l. XVI, c. 10-11 ; Ordre de Malte, t. II, p. 310.