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guerre en Hongrie, théâtre perpétuel des triomphes des Turcs et de leurs défaites. Sigismond, roi de Hongrie, était fils et frère des empereurs d’Occident. Sa cause était celle de l’Église et de l’Europe ; au premier bruit de son danger, les plus braves chevaliers français et allemands s’empressèrent de se croiser sous ses drapeaux. [Bataille de Nicopolis. A. D. 1396, 28 sept.]Bajazet défit à la journée de Nicopolis une armée de cent mille chrétiens, qui s’étaient orgueilleusement vantés que si le ciel menaçait de tomber, ils le soutiendraient sur le bout de leurs lances. Le plus grand nombre périt dans la plaine, ou se noya dans le Danube, et Sigismond, après s’être réfugié par la mer Noire à Constantinople, fit un long circuit pour retourner dans ses états épuisés[1]. Dans l’orgueil de la victoire, Bajazet menaça d’assiéger Bude, d’envahir l’Allemagne et l’Italie, et de faire manger l’avoine à son cheval sur l’autel de saint Pierre à Rome. Ses projets furent arrêtés, non par la miraculeuse interposition de l’apôtre, non par une croisade des puissances chrétiennes, mais par un long et violent accès de goutte. Les désordres du monde physique ont quelquefois remédié à ceux du monde moral ; et un peu d’humeur

  1. Voyez les Decades rerum hungaricarum (Dec. III, l. II, p. 379) de Bonfinius, Italien, qui dans le quinzième siècle fut appelé en Hongrie pour y composer son éloquente histoire de ce royaume. Je donnerais la préférence à une chronique toute brute du temps et du pays, si je savais qu’elle existât et qu’on pût se la procurer.