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tice et l’humanité, il forçait ses soldats à observer rigoureusement les règles de la décence et de la sobriété : les moissons se faisaient et se vendaient paisiblement au milieu de ses armées. Irrité de la négligence et de la corruption qui s’étaient introduites dans l’administration de la justice, il rassembla dans une maison tous les juges et gens de loi de ses états, qui ne redoutaient pas moins que d’y être brûlés vifs. Ses ministres tremblaient en silence ; mais un bouffon d’Éthiopie osa lui représenter la véritable cause de ce désordre ; et le souverain ôta pour l’avenir toute excuse à la vénalité, en annexant à l’office de Cadi un revenu convenable[1]. Enorgueilli de ses succès, il dédaigna son ancien titre d’émir, et accepta la patente de sultan du calife, esclave en Égypte sous les ordres des mamelucks[2]. Entraînés par la force de l’opinion, les Turcs victorieux rendirent ce dernier et frivole hommage à la race d’Abbas et aux successeurs de Mahomet. Le nouveau sultan, jaloux de mériter son titre, porta la

  1. Leunclav., Annal. Turcici, p. 318, 319. La vénalité des cadis est depuis long-temps un sujet de plainte et de scandale ; et si nous ne voulons pas nous en rapporter à nos voyageurs, nous pouvons du moins en croire les Turcs eux-mêmes (d’Herbelot, Bibl. orient., p. 216, 217-229, 230).
  2. Ce fait, qui est attesté dans l’histoire arabe de Ben-Schounah, contemporain et Syrien (de Guignes, Hist. des Huns, t. IV, p. 336), détruit le témoignage de Saad Effendi et Cantemir (p. 14, 15), qui prétendent qu’Othman avait été élevé à la dignité de sultan.