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Telle fut l’origine de cette troupe formidable, la terreur des nations et quelquefois des sultans. Ils sont aujourd’hui déchus de leur valeur ; leur discipline s’est relâchée, et leurs rangs tumultueux ne peuvent résister à l’artillerie et à la tactique des nations modernes ; mais au temps de leur institution ils jouissaient d’une supériorité décisive, parce qu’aucune des puissances de la chrétienté n’entretenait constamment sous les armes un corps régulier d’infanterie. Les janissaires combattaient contre leurs idolâtres compatriotes avec le zèle et l’impétuosité du fanatisme, et la bataille de Cossova anéantit la ligue et l’indépendance des tribus esclavonnes. En parcourant après sa victoire la scène du carnage, Amurath observait que la plupart des morts n’étaient que des adolescens, et son visir lui répondait en courtisan, que des hommes d’un âge plus raisonnable n’auraient point entrepris de résister à ses invincibles armes. Mais l’épée de ses janissaires ne put le sauver du poignard du désespoir : un soldat servien s’élança du milieu des morts, et le blessa dans le ventre d’un coup mortel. Ce prince, petit-fils d’Othman, avait des mœurs simples et un caractère indulgent ; il aimait les sciences et la vertu, mais il scandalisa les musulmans par son peu d’attention à assister à leurs prières publiques ; et le muphti eut le courage de lui

    expressions proverbiales de louange et de reproche. Hic niger est, hune tu Romane caveto, était aussi un apophthegme latin.