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rent la trompette sacrée, Foulques de Neuilly tint le premier rang par l’éclat de son zèle et par ses succès. La situation des principaux monarques de l’Europe n’était pas favorable aux vœux du saint père. L’empereur Frédéric II, encore enfant, voyait déchirer ses états d’Allemagne par la rivalité des maisons de Souabe et de Brunswick et les factions mémorables des Guelfes et de Gibelins. Philippe Auguste de France avait accompli ce vœu dangereux et n’était point disposé à le renouveler ; mais comme ce monarque n’était pas moins avide de louanges que de puissance, il assigna volontiers un fonds perpétuel pour le service de la Terre-Sainte. Richard d’Angleterre, rassasié de gloire et dégoûté par les accidens de sa première expédition, osa répondre par une plaisanterie aux exhortations de Foulques de Neuilly, qui réprimandait avec la même assurance les peuples et les rois. « Vous me conseillez, lui dit Plantagenet, de me défaire de mes trois filles, l’orgueil, l’avarice et l’incontinence, pour les remettre à ceux à qui elles conviennent le mieux, je lègue mon orgueil aux Templiers, mon avarice aux moines de Cîteaux, et mon incontinence aux évêques. » Mais les grands vassaux et les princes du second ordre

    mult li cuers des genz, et mult s’en croisièrent, porce que li pardons ere si gran. » Villehardouin, no 1. Nos philosophes peuvent raffiner sur les causes des croisades ; mais tels étaient les véritables sentimens d’un chevalier français.