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récolte. L’empire du Nord, et insensiblement celui du Midi, se soumirent au gouvernement de Cublai le lieutenant et ensuite le successeur de Mangou ; et la nation fut fidèle à un prince élevé dans les mœurs de la Chine. Il lui rendit les anciennes formes de sa constitution ; et les vainqueurs adoptèrent les lois, les usages, et jusqu’aux préjugés du peuple vaincu. On peut attribuer ce triomphe paisible, dont il y eut plus d’un exemple, à la multitude et en même temps à la servitude des Chinois. Les empereurs des Mongouls voyaient leur armée absorbée en quelque manière dans l’immense population d’un vaste royaume ; ils adoptaient avec plaisir un système politique qui offrait aux princes les jouissances réelles du pouvoir despotique, et abandonnait aux sujets les vains noms de philosophie, de liberté et d’obéissance filiale. Sous le règne de Cublai, on vit fleurir les lettres et le commerce ; les peuples jouirent des bienfaits de la justice et des douceurs de la paix. On ouvrit le grand canal de cinq cent milles, qui conduit de Nankin à la capitale. Le monarque fixa sa résidence à Pékin, et déploya dans sa cour la magnificence des plus riches souverains de l’Asie. Cependant ce savant prince s’écarta de la pureté et de la simplicité de la religion adoptée par son grand-père ; il offrit des sacrifices à l’idole de Fo ; et sa soumission aveugle pour les lamas et les bonzes de la Chine, lui attira la censure[1]

  1. L’attachement des kans et la haine des mandarins pour les bonzes et les lamas de la Chine (Du Halde, Hist.