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contempla les calamités de l’empire avec l’indifférence d’une étrangère. La concurrence d’une impératrice enflamma sa jalousie, et elle menaça à son tour le patriarche, qui semblait incliner pour la paix, d’assembler un synode et de le dégrader de sa dignité. L’usurpateur aurait pu tirer un avantage décisif de la discorde et de l’incapacité de ses ennemis ; mais la faiblesse des deux partis prolongea la guerre civile, et la modération de Cantacuzène n’a point échappé au reproche d’indolence et de timidité. Il s’empara successivement des villes et des provinces, et le royaume de son pupille se trouva bientôt réduit à l’enceinte de Constantinople ; mais la capitale contrebalançait seule le reste de l’empire, et Cantacuzène, avant d’entreprendre cette importante conquête, voulait s’y assurer et la faveur publique et de secrètes intelligences. [Cantacuzène rentre dans Constantinople. A. D. 1347. 8 janvier.] Un Italien nommé Facciolati[1] avait succédé à la dignité de grand-duc ; il commandait la flotte, les gardes et la porte d’Or : cependant son humble ambition ne dédaigna point le prix de la perfidie ; la révolution s’exécuta sans danger et sans qu’il en coûtât une goutte de sang. Dépourvue de tout moyen de résistance et de tout espoir de secours, l’inflexible Anne de Savoie voulait encore défendre le palais plutôt que de livrer Byzance à sa rivale ; elle aurait volontiers réduit la

  1. Nicéphore Grégoras révèle la trahison et le nom du traître (l. XV, c. 8) ; mais Cantacuzène (l. III, c. 99) supprime discrètement le nom de celui qu’il avait daigné compter pour son complice.