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caucus, dans l’espérance d’obtenir l’approbation du peuple et la clémence de l’impératrice. Anne de Savoie vit peut-être sans regret la chute d’un ministre ambitieux et arrogant ; mais tandis qu’elle hésitait à prendre un parti, la populace, et particulièrement les mariniers, animés par la veuve de l’amiral, enfoncèrent la prison, firent main-basse sur tous ceux qui se présentèrent ; les prisonniers, la plupart innocens du meurtre d’Apocaucus, ou qui plutôt n’en avaient pas partagé la gloire et qui s’étaient réfugiés dans une église, furent égorgés au pied des autels ; et la mort du monstre fut aussi funeste et aussi sanglante que l’avait été sa vie. Cependant ses talens soutenaient seuls la cause du jeune empereur ; après sa mort, ses partisans, remplis de soupçons les uns contre les autres, abandonnèrent la conduite de la guerre et rejetèrent toutes les offres de réconciliation. Dès les commencemens de la guerre civile, l’impératrice avait senti et avoué que les ennemis de Cantacuzène la trompaient ; mais le patriarche prêcha fortement contre le pardon des injures, et lia la princesse par un serment de haine éternelle qu’elle ne pouvait rompre sans s’exposer aux foudres redoutables de l’excommunication[1]. La haine d’Anne de Savoie fut bientôt indépendante de cette crainte, elle

  1. Cantacuzène accuse le patriarche et épargne l’impératrice, mère de son souverain (l. III, 33, 34) contre laquelle Nicéphore exprime une animosité particulière (l. XIV, 10, 11 ; XV, 5). Il est vrai qu’ils ne parlent pas exactement de la même époque.